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01 October 2021 |
Nancy
déconstruction sélective Vivest

Le nouveau bailleur social, fruit de la fusion entre Logiest et SLH, s’est lancé dans deux projets de déconstruction sélective. Le Pôle Fibres-Energivie, en association avec BOMA, l’accompagne sur l’un d’eux. Rencontre avec Benoit Petry, responsable des projets chez Vivest.

Une nouvelle vision de la déconstruction.

Benoit Petry est arrivé chez Logiest en 2020 à l’occasion de la création d’un troisième pôle « Aménagement, Restructuration urbaine et Foncier » à la croisée des services traditionnels « Contruction neuve » et « Réhabilitation».  La création de ce pôle résulte de plusieurs constats :

  • La raréfaction du foncier alors que la demande de logement ne cesse de progresser,
  • La meilleure prise en compte du quartier par les bailleurs sociaux. Longtemps, les bailleurs se sont concentrés sur le confort des logements sans prêter une attention suffisante à l’environnement autour qu’il s’agisse des communs ou de l’aménagement du quartier. Or, il y a une prise de conscience croissante, note Benoit Petry que l’environnement du logement est aussi important que le logement lui-même. Un mauvais environnement provoque des effets de ghettoïsation et un rejet du quartier par les habitants. Or le bailleur a tout intérêt à fidéliser ses occupants.

Ce constat amène les bailleurs à s’intéresser davantage à la démolition et à la transformation qu’il peut en résulter. « La démolition, c’est un peu le parent pauvre de notre métier, elle a une image plutôt négative et est vue comme un acte peu valorisant. Il n’y a pas de méthodologie très aboutie sur cette étape ». Pourtant, précise le bailleur, « la déconstruction est un sujet très stratégique et très technique, d’autant plus avec l’intensification de la question environnementale, elle intègre de nouveaux enjeux.  Jusqu’à présent, - renchérit le responsable de projet -  la démolition n'est envisagée en dernier recours.  Il en résulte que lorsqu’elle était décidée, elle arrive en toute fin de cycle sur des situations déjà bien dégradées".

Benoit Petry s’y intéresse alors qu’il connait peu le sujet au départ. Il note le changement de vocabulaire. « Déconstruction » remplace « Démolition », les déchets sont désormais perçus comme des ressources potentielles.

Il entreprend alors le lancement de plusieurs expérimentations de déconstruction sélective.

Un chantier difficile.

Deux chantiers sont identifiés. Le premier concerne des bâtiments de Thionville. Des émanations du bois de charpente les ont rendus inhabitables et la déconstruction est la celle alternative sur ces bâtiments pourtant rénovés il y a une dizaine d’années. Sur ce chantier, il y a beaucoup de choses à récupérer.

Le chantier de Hombourg est d’une autre complexité. Pour celui-ci, il confie au Pôle Fibres-Energivie, en association avec BOMA, la mission d’AMO déconstruction.

La déconstruction se heurte à de nombreux obstacles. Il s’agit de 18 bâtiments, 74 logements collectifs et 9 maisons en bande datant des années 80. La plupart des logements sont inhabités depuis plus de 10 ans, les locataires restants font de la résistance. Les bâtiments sont en très mauvais états avec des phénomènes de squats et de multiples dégradations.

Les missions confiées au groupement Fibres-Energive- BOMA  vont de la phase conception/ études jusqu’à la réception de démolition. Elles concernent :

  • La constitution d’un éco-système avec l’identification des acteurs en capacité à participer à des chaînes de valorisation. Cette étape est indispensable pour envisager l’accélération des projets du même type sur le territoire et générer des économies d’échelle,
  • la réalisation du diagnostic ressources et la constitution du catalogue des objets à re valoriser,
  • La proposition de stratégies de revalorisation,
  • La mise en place d’une veille sur les aides possibles,
  • La sélection des prestataires. Dans le cas de Hombourg, le faible volume concerné n’a pas donné lieu à un lot spécifique. Néanmoins, l’AMO déconstruction a été sollicité pour proposer une méthodologie de traitement des déchets.

"Le groupement n’a proposé du ré-emploi que si des débouchés pertinents avaient été identifiés, c’est une démarche intelligente dans le cas de ce territoire où les possibles sont plus restreints du fait d’un éco-système plus étroit. A Thionville, zone plus dynamique, nous avons pu faire du stockage » précise Benoit Petry.

Dans le cas du chantier de Hombourg, peu de choses ont pu être valorisées du fait de l’état très dégradé du bâtiment. Des rambardes et des tasseaux ont néanmoins trouvé une seconde vie pour le plancher d’un tiers-lieu. Du verre a également été recueilli pour être réemployé dans des verrières extérieures. La reconstruction prévue sur des volumes beaucoup plus faibles n’a également pas favorisé le ré-emploi sur le site.

 

Une montée en compétence collective et un projet mobilisateur.

Logiest s’est engagé dans un plan d’entreprise Smart 2022 visant l’amélioration collective et l’innovation dans de nombreux domaines. La transition écologique fait évidemment partie des sujets traités. Ces deux expérimentations s’inscrivent totalement dans ce plan et apportent de la concrétisation aux intentions affirmées dans le plan.

Malgré tout, les expérimentations suscitent quelques interrogations en interne. Leur co-financement dans le cadre de l’Appel à projet Climaxion aide à lever les réticences. Benoit Petry décide d’en faire un sujet mobilisateur pour l’entreprise. Une session de sensibilisation à l’Economie Circulaire est organisée, animée par Fibres-Energivie et ses partenaires. Les projets y sont expliqués et débattus. Cette rencontre connait un franc succès et contribue à fédérer les collaborateurs autour de projets perçus comme valorisants pour l’image de l’entreprise.

En externe aussi, les élus adhèrent à ces projets innovants et les facilitent. Benoit Petry note aussi de la part des élus un intérêt pour leur dimension sociétale. « Nous ne sommes pas un organisme public, mais nous portons des valeurs sociales fortes. Ainsi dans les projets, certains lots, comme le curage, sont réservés à des entreprises d’insertion ».

La pédagogie et la formation des acteurs restent un levier de succès de première importance. Les réticences des acteurs, la maîtrise d’œuvre ou entreprises sont bien réelles pour des pratiques encore très émergentes.

La piste de la maintenance est également une piste suivie pour ré-employer des équipements en bon état dans le patrimoine existant. Cela demande quand même une logistique nouvelle pour les métiers de la maintenance. « Il faut là aussi faire preuve de pédagogie, amener les équipes à développer de nouveaux réflexes. Il faut aussi inclure les prestataires dans la réflexion et aborder la question de la garantie des travaux ou des marges produites dans ce contexte » souligne Benoit Petry.

 

L’importance du retour d’expérience pour aller vers la massification des chantiers et l’atteinte de l’équilibre économique.

Lorsque le projet se dessine, Logiest est précurseur dans le domaine de la déconstruction sélective. Benoit Petry souligne le peu d’acteurs expérimentés auprès de qui aller chercher des conseils. Les cas existants concernent plutôt des bâtiments tertiaires aux problématiques éloignées de celles du logement.

Ce qui l’anime c’est l’observation de ce qui marche mais aussi de ce qui ne marche pas. Son objectif : apprendre, tirer des enseignements pour la suite, même si chaque chantier est spécifique « il y a une forte composante territoriale dans les projets de déconstruction sélective, l’environnement, le tissu d’acteur, les besoins du territoire sont centraux dans la détermination de la stratégie et des actions ».

« Ce que je souhaite, c’est généraliser une démarche d’économie circulaire lors des déconstructions, et même créer la méthode Vivest de la démolition. A termes, les choses apprises nous permettrons d’aller plus vite et de trouver un meilleur équilibre économique ».

Même s’il est trop tôt pour établir un retour d’expérience et tirer un bilan, il se dit « très satisfait de l’accompagnement du groupement ». Le choix d’un acteur local, bien implanté auprès de l’éco-système territorial lui parait un atout certain. Dans ce domaine où tout est à construire, l’expérience de Fibres-Energivie dans l’accompagnement à la structuration des filières ainsi que sa capacité à aller identifier des co-financements publics ont motivés le choix du groupement comme AMO déconstruction. Il a également apprécié le rôle de pédagogue et de formateur que le duo Fibres-Energivie-BOMA a pu jouer auprès de l’interne comme de l’externe.

Au final, ces projets permettent à Vivest de se former et de progresser sur les démarches d’économie circulaire. Ils contribuent aussi à bien d’autres objectifs du bailleur : la densification, la mixité sociale, l’amélioration du cadre de vie. L’adaptation au territoire est un point crucial à prendre en compte, mais la méthodologie acquise reste généralisable sur des projets futurs.